La pratique de l'art-thérapie se trouve à la jonction des domaines sanitaires et socio-culturels. [1] L'art-thérapie ouvre des perspectives psychothérapiques, mais aussi de prévention, de réhabilitation de la maladie mentale, de lutte contre la stigmatisation de la folie et l'exclusion sous toutes ses formes. L'art-thérapie a un double regard sur l'art et sur la maladie mentale, vulgairement appelée folie.
Les médiations introduisent un tiers dans tous les champs, qu'ils soient politiques, économiques, socio-culturels et médicaux.
Dans cette période de pandémie de coronavirus, qui révèle la fragilité et la vulnérabilité de l'homme, l'ébranlement des certitudes, elles sont un véritable enjeu. Elles vont contribuer à retisser les liens, en particulier sociaux, sous la forme des différentes solidarités. Elles permettront ainsi de protéger les plus démunis financièrement et psychologiquement. Lorsque les médiations sont appliquées au soin, elles deviennent thérapeutiques.
Dès 1992, l'ouvrage "Manuel d'art-thérapie" proposait de présenter les notions essentielles concernant les thérapies médiatisées par l'art. Les nommer "art-thérapie" leur donne tout leur sens. [2]
L'art-thérapie est ainsi définie comme l'art au service du soin.
La définition, l'application et le sens de l'art-thérapie ne sont pas aisés à définir car très complexes. L'art-thérapie connaît depuis une quarantaine d'années un engouement croissant. Elle apporte réellement dans les institutions, surtout psychiatriques, un souffle de créativité et un supplément d'âme. Dans les institutions, elle soigne réellement. Ce qui est assez remarquable, c'est l'enthousiasme de cette méthode de soin pour tous ceux qui veulent prendre les autres en charge. L'essor de l'art-thérapie est dû au désir de toutes ces personnes venues d'horizons très divers (médicaux, paramédicaux et artistes) de pratiquer et non de la demande des patients, qui dans certains cas, deviennent des clients. C'est un premier paradoxe, car à partir de ce désir, extérieur à la chose, s'est créé un marché, avec des propositions de formations marketées, redéfinissant la définition même de l'art-thérapie.
L'origine de l'art-thérapie remonte à l'expression créatrice des malades mentaux. Il y a toujours eu, dans les institutions psychiatriques, des personnes qui avaient un besoin quasi vital de peindre, utilisant tout ce qui leur tombait sous la main. Quelques psychiatres se sont intéressés à leurs productions. Par exemple, la collection Prinzhorn réunit des ouvrages de malades mentaux, témoin de l'intérêt pour l'art que l'on peut appeler "psychopathologique". L'aboutissement de cette démarche fut la création de la Société Internationale de Psychopathologie de l'Expression. La première exposition d'art psychopathologique eut lieu à l'hôpital Sainte-Anne en 1950. D'autre part, on doit à Jean Dubuffet la nomination d'art brut pour des productions faites par des personnes dites "obscures". Il souhaitait attirer l'attention du public sur les productions artistiques de personnes marginales, exclues, enfermées dans les prisons, internées... En fait, Jean Dubuffet essayait d'extraire l'art de la culture, de dire que l'art n'appartient pas aux artistes et de montrer et mettre en valeur les productions de gens qui ne sont justement pas des artistes.
Jean Dubuffet en conclura que l'artiste fou crée pour lui-même, en dehors de toute culture. S'agit-il d'art, de création ou d'expression? En effet, il semble que la création artistique soit, au contraire, toute entière culture. Si l'artiste puise son inspiration au plus profond de lui-même, toute la valeur de ce qu'il fait passe par le symbole, dans ce cas, la transmission d'une culture partagée. L'artiste est un messager porteur de signes transmissibles aux autres dans une culture donnée. Précisons encore, que si elles ne sont pas culturelles, les créations spontanées des malades mentaux ne se réfèrent en rien à l'art-thérapie.
Si certains réfutent vigoureusement la valeur thérapeutique de l'art-thérapie, pour d'autres, elle est un processus de création, celui-ci étant là pour mettre en forme des conflits psychiques. Pour nous, l'art se met véritablement au service du soin. A trois conditions, qu'il y ait un cadre, qu'il y ait un média, et qu'il y ait un art-thérapeute. La mise en place du cadre est absolument fondamentale. Le cadre est à la fois un contenant et un garant. C'est dans le cadre que peut se dérouler le processus qui amène à une transformation. Une fois posé, il est immuable. Sa mise en place est le résultat d'une réflexion de la part de l'art-thérapeute, qui tient compte des contraintes extérieures, s'adapte à l'environnement pour le construire, et le présente au patient.
C'est le plus souvent le non-respect du cadre qui entraîne les dérives et sort d'emblée le processus en cours du soin attendu, en entraînant des parasitages d'ordre relationnel ou des passages à l'acte. Le cadre correspond à une notion abstraite et pourtant il est fait de choses matérielles et concrètes. C'est une construction mentale puis matérielle, et une protection. Le cadre a une fonction de clôture, délimitant un espace (lieu, temps) qui , d'une certaine façon, est sacré. L'art-thérapeute fait partie intégrante du cadre. Il est corps, présence, regard. Il est psychiquement disponible et neutre.
Ainsi, la médiation est un processus qui permet aux parties de trouver des réponses. Elle repose sur la compréhension, la garantie de la protection, de l'espace créatif, la confidentialité. Le médiateur art-thérapeute n'apporte pas la solution, c'est un tiers indépendant, neutre, sans jugement. Ainsi, l'individu peut cheminer pour trouver son unité et son identité. Grâce à la projection de son intériorité dans le cadre et au surgissement des représentations, il s'approche de la connaissance de sa constitution psychique, de son style à travers la forme et de son destin.
[1] A. Boyer-Labrouche, 2017, Pratiquer l'art-thérapie, Les ateliers du praticien, Dunod.
Vous pourrez retrouver une présentation de cet ouvrage sur la page "Livres" du site.
[2] A. Boyer-Labrouche, 1992, Manuel d'Art-thérapie, Dunod.
(autres éditions: Annie Boyer-Labrouche Manuel d'art-thérapie, 2° édition, Dunod, 2000 Annie Boyer-Labrouche Manuel d'art-thérapie, 3° édition, Dunod, 2012 Annie Boyer-Labrouche Manuel d'art-thérapie, 4°édition, Dunod, 2017)
Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page "Livres" du site.
Mots-clés: art-thérapie, maladie mentale, exclusion, art, soin, folie
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